LE Mexique
YelapaLe bateau taxi
Puerto Vallarta – Mardi 7 juillet 2020
Le ciel est très couvert, la mer est agitée. Mes deux gros sacs sur le quai, je suis prête pour le départ. Un gars les charge sur le bateau-taxi en compagnie d’un gros bidon et d’un grand sac plastique rempli de viande, on dirait des entrecôtes. C’est parti pour 45 minutes de traversée, direction Yelapa. Moteur à fond, l’embarcation tape et rebondit sur les vagues.
Yelapa n’est accessible que par la mer. Le bateau-taxi longe la sauvage côte sud de la Bahía de Banderas. Au détour d’une pointe rocheuse, nous arrivons en vue de Yelapa : une profonde baie bordée de monts verdoyants, une plage blonde frangée de palmiers, une vingtaine de pangas (embarcation traditionnelle) colorées ballottées par la houle, un village qui s’étend vers les hauteurs et, dans le ciel, le bal des frégates et des pélicans.
En débarquant, j’ai l’étonnante impression d’arriver sur une île, avec ce rythme toujours un degré plus calme que sur le continent. L’absence de voitures doit aider. Aucune route ne relie Yelapa au reste du monde, le quai constitue le centre névralgique du village.
A l’étage, la chambre avec un lit suspendu accroché par quatre cordes aux grosses poutres en bambou de la charpente. Une grande moustiquaire protège le couchage.
Deux gars costauds déchargent mes bagages et les portent sur leur dos.
Quelques minutes plus tard, je vois un quad rouge approché. C’est Jairo, mon hôte AirBnb. Il charge tant bien que mal mes deux gros sacs à l’avant sur le porte bagage. Je grimpe à l’arrière. Un dédale de ruelles qui montent, qui descendent, qui tournent.
La casa Santana
Une femme, les cheveux noirs relevés dans sa casquette est assise sur le muret. C’est Anita, la maman de Jairo qui m’accueille sympathiquement. La casa Santana est entourée d’un jardinet débordant de plantes avec un hamac. Un toit de palme, deux grands fenêtres sans vitre mais avec des bareaux. Trois marches permettent d’accéder dans une la grande pièce principale, une cuisine bien équipée avec gazinière, four, frigo, congélateur et un grand comptoir. Des tapis à motifs géométriques et de couleurs vives jaunes, rouge et bleu. Des grands bouquets de fleurs : oiseau du paradis et alpinia égaient la maison.
Voici la vue de ma chambre : la petite rivière, la plage, la jungle et la baie de Yelapa.
Enfoncée dans un transat, face à la baie je sirote une Corona bien fraiche accompagnée de morceaux de noix de coco avec un peu de piment concassé, du sel et du jus de citron. Le soleil enflamme le ciel. La nuit tombe d’un seul coup.
Ma première nuit dans
la jungle
Je branche une prise anti-moustique ayant plutôt un rôle de placebo car la maison est toute ouverte. Je ne trouve pas la lumière de l’étage et monte me coucher à la lueur de ma lampe de poche. Une dernière vérification des draps pour voir s’il n’y a pas d’intrus et je me glisse sous la moustiquaire. Le lit oscille doucement me donnant l’impression d’être bercée. L’atmosphère est moite et chaud. Une brise légere passe sur ma peau sans la rafraichir. J’allume ma liseuse. Une, deux, trois, dix mouchettes se précipitent sur l’écran lumineux. Ma liseuse se transforme en champs de bataille, je les chasse et les écrase au fur et à mesure des lignes. La nature l’emporte sur la technique. J’éteins tout et dans le noir de la nuit oreilles grandes ouvertes, j’écoute : grillons, crapauds et grenouilles et d’autres non identifiés chantent, coassent, sifflent, soufflent sans cesse. Les sons de la jungle sont innombrables, constants, fascinants.
Les bestioles
Elles marchent, elles courent, elles sautent, elles rampent, elles volent. De l’infiniment petit à l’infiniment grand. Camouflage ou luminescent. À plumes, à poils, à écailles, à carapaces. Au sang chaud ou au sang froid. En silence ou en poussant des cris. Elles sont partout. Elles creusent, elles tissent, elles grattent, elles cueillent, elles portent, elles mordent, elles piquent.
Moustiques, crabes, cafards, fourmis, araignées, papillons, grillons, grenouilles, chiens, chats, rats, écureuils, chauves souris, poules, coqs, oiseaux en tout genre, gecco, iguanes, serpents…
Le village
Dimanche 12 juillet 2020
Anita me propose d’aller visiter le village. Avec Anita, nous avons le même âge, elle a deux enfants un garçon Jairo et une fille Lupita, elle est grand mère. Anita est née à Yelapa.
Anita m’explique que Yelapa a un statut spécifique, celui de « comunidad indigena », qui l’autorise à gérer son territoire d’une manière autonome, un accord qui remonte à 1581. Les terres de la municipalité sont la propriété de la collectivité, et aucun terrain ne peut être vendu à des étrangers. Le village compte environ un millier d’habitants qui se connaissent tous.
Yelapa accueille des touristes depuis longtemps. Dans les années 1960, Bob Dylan, Dennis Hopper et d’autres artistes naviguant à contre-courant venaient s’y ressourcer. Ils furent imités par bon nombre de gringos envoûtés par ce lieu simple, plus proche de la nature que du mercantilisme.
L’électricité n’est arrivée qu’en 2001 et aucun distributeur d’argent n’est encore installé.
On compte les magasins sur les doigts d’une main.
Pour se déplacer : c’est soit à pied, soit en quad ou à dos de mulet.
Nous marchons à travers le petit labyrinthe des ruelles pavées qui serpentent dans le bourg. Hibiscus et bougainvilliers colorent les rues.
Nous passons devant chez Micheladas Vicky tenu par le cousin d’Anita. Les Micheladas sont la spécialité maison, un cocktail typiquement mexicain mélangeant bière, jus de citron, Clamato (jus de clams et tomate) et sauces épicées, avec crevettes et légumes frais en option.
Nous arrivons à la chute d’eau en haut du village qui lors des grosses pluies débordent.
Nous redescendons pour longer la baie. Nous croisons des mulets harnachés portant des gros sacs remplis de galets. Un pêcheur nettoie un thon sanguinolant. Il jette les entrailles sur la plage aussitôt attrapées par les pélicans qui n’en manqueraient pas un morceau.
La jungle
Le chemin en terre battue longe la riviere. Des maisons s’étirent tout du long. Caramboles, jacquiers, avocats poussent en abondance. Anita marche pied nu, un bâton à la main. Des mûlets encordés les uns, chargés de gros sacs sur chaque flans, avancent cahin caha.
Nous arrivons à un pont suspendu qui relie l’autre rive. Sur la berge, des morceaux de béton, ce sont les anciennes piles du pont détruit lors d’une crue soudaine. En quelques heures la rivière est montée sur plusieurs mètres emportant tout sur son passage : maisons, animaux et même « un Americano » m’explique Anita.
« Voici les terres de ma famille » me dit Anita. Un jour, j’aimerai y installer un restaurant pour les touristes qui vont voir la cascade et pourquoi pas une petite boutique… Voici Lupita, ma fille qui habite ici.
Une cuisine à ciel ouvert, quelques tables, le « Jungle garden ». Nous nous asseyons autour d’une petite table. Lupita nous apporte une citronade maison bien fraiche. Je la bois avec tellement de plaisir car j’ai vraiment très, très chaud. Les cheveux collés sur la nuque, le dos de ma chemise mouillé, je transpire à grosses goutes. Le ciel est plombé et fait l’effet dune cocotte minute. L’atmosphère est lourd, la rivière coule en contrebas.
Lupita nous prépare un ceviche de pescado : thon cru, citron, tomate, petits piments.
Un couple approche et echange quelques mots avec Anita. La chemise ouverte, une casquette sur ses cheveux gris, c’est le voisin, Gabriel me dit Anita. Pour moi, il prend la pose avec sa machette.
La plupart des gens sont débarqués sur la plage. Ils viennent s’allonger trois ou quatre heures sur le sable, déjeuner à l’ombre des palapas (les toits en palme) des restaurants de la plage, avant de retourner en fin d’après midi à Puerto Vallarta.
Pour explorer la Baie de Yelapa en paddle, c’est par ici
La plage
La plage est séparée du reste du village par la rivière plus ou moins large et profonde en fonction des marées. Tous les midis je traverse à gué la rivière pour m’installer au restaurant de la plage. S’il a plu, l’eau charrie beaucoup de boue et on ne sait pas où l’on pose le pied. C’était le cas pour ma première traversée à l’aveugle, je n’en menais pas large avançant pas à pas dans cette eau marronnasse m’arrivant parfois jusqu’au genou.
Je m’arrête au premier restaurant, « Chez Domingo » et commande une noix de coco pour me rafraichir.
Pour manger, ce sera un aguachile de camerones : plat preparé à base de crevettes crues, de citron vert, d’avocat, de concombres et oignons doux.
Quelle n’est pas ma surprise de voir arriver un gars portant un iguane. J’ai un pincement au coeur en regardant cet animal sauvage utilisé pour le seul plaisir du touriste prenant la pose pour la photo Instagram. Ce manège se répète tous les jours.
Chaque midi je guette le passage de « la pie lady ». La pâtissière du village arpente la plage, proposant ses tartes à la banane, à la noix de coco ou pie à la mangue. Je les ai toutes goûtées, plus savoureuses les unes que les autres.
Et après ?
Chaque jour, je m’interroge sur la suite de mon voyage.
Les cas de Covid continuent à monter au Mexique et ailleurs.
Comment enrayer cette progression infernale ? Des rumeurs de reconfinement circulent au Mexique. Les pays frontaliers Guatemala, Panama, Pérou sont toujours fermés. Le Coronavirus fait rage au Brésil où le nombre de cas flambent.
Lundi 13 juillet 2020
Il faut se rendre à l’évidence, il m’est impossible de poursuivre mon voyage en Amérique du Sud.
Quoi faire ? Rester au Mexique ? Retourner à San Miguel de Allende ? Changer de continent ?
Dans un monde sans Covid, après mon périple en Amérique du Sud, j’avais prévu de rejoindre Tahiti au mois de novembre via l’Ile de Pâques. Il faut s’adapter aux circonstances.
C’est décidé je pars à Tahiti, c’est un peu plus tôt que je ne l’imaginais… mais, cette décision rassure ma famille et mes amis.
La Polynésie est déconfinée depuis début juillet et réouvre sa connexion aérienne avec les Etats Unis. La quarantaine (15 jours en isolement) sera levée le 15 juillet 2020.
Des conditions strictes sont mises en place pour l’entrée en Polynésie dont un test PCR à réliser dans les 48h avant le départ. Hélas, je n’ai pas la possibilité de faire ce test au Mexique. Je dois donc faire escale pendant 2 jours à Los Angeles afin d’effectuer ce fameux test dans un des laboratoires listés.
Je réserve un billet d’avion Puerto Vallarta – Los Angeles pour le jeudi 16 juillet et un deuxième billet de Los Angeles à Papetee pour le samedi 18 juillet.
Je ne suis guère enthousiaste à l’idée de passer 2 jours à Los Angeles. La Californie connaît actuellement une explosion de nouveaux cas. Mais je n’ai pas le choix. Je réserve un AirBnb juste à coté de l’aéroport et du laboratoire…
Pour revivre ces 2 jours dans un monde en pleine crise de Covid,
c’est par ici.
Ma prochaine étape Tahiti et ces îles.
Pour revivre mes aventures en Polynésie Française.
Vous n’imagimez pas combien un petit mot peut donner du baume au coeur quand on est à l’autre bout du monde
Vous n’imagimez pas combien un petit mot peut donner du baume au coeur quand on est à l’autre bout du monde